Inévitablement, le diocèse d’Avignon est touché par les pertes qu’engendre la guerre. L’abbé Marcel Bagnol (né le 17 janvier 1888 à Mazan, ordonné prêtre le 22 juin 1913), vicaire à Bollène, sergent au 4° colonial, après avoir pris part aux batailles de Lorraine, d’Argonne et de la Meuse, fut blessé de deux balles aux chevilles sur les bords de la Meuse, devant Jaulny. Rapatrié ensuite à l’hôpital militaire de Pamiers, il y est décédé « des suites de ses blessures » dans la nuit du 13 au 14 septembre. Il reçut la médaille militaire à titre posthume. Il avait 26 ans.
Le diocèse connaît encore une perte en la personne de l’abbé Louis Delbos, « tué à l’ennemi le 20 octobre à Gerbeviller », (vraisemblablement inhumé sur place) avec trois autres soldats, prêtres comme lui. Il était né à Bouillac (Aveyron) le 12 janvier 1884. Ordonné prêtre le 29 juin 1909, il fut successivement vicaire de Caderousse (avec M. Spenlé comme curé-doyen) puis curé de Lacoste. Il fut décoré, à titre posthume, de la médaille militaire le 6 novembre 1920 « sous-officier très courageux et particulièrement dévoué, il a été tué à son poste ». Il avait reçu la croix de guerre avec étoile de bronze. Il avait 30 ans.
L’abbé Delbos, à son zèle pastoral, « joignait une bonté, une douceur, et une modestie qui le rendait aimable à tous ». Sur le champ de bataille, il était autant un soldat vaillant et héroïque, qu’un apôtre soucieux des âmes : « je fais l’œuvre de Dieu et de la patrie ; j’en ai confessé au moins deux cents… on a bon courage… Dieu est là qui fortifie nos soldats et leur donne le courage d’affronter la mort… volontiers je ferais le sacrifice de ma vie pour mes frères afin que Dieu épargne la leur ! »
Un prêtre infirmier écrit à sa famille, une lettre datée du 2 novembre 1914 : « je vous écris dans le presbytère pillé… je suis depuis hier nommé curé de cette charmante paroisse, par l’autorité militaire. Il est entendu avec le commandant que j’assurerai le service de cette paroisse tant que nous serons dans ces parages. J’en suis enchanté. J’ai commencé mon service hier, beau jour de la Toussaint… Les soldats que je rencontre et qui surtout me connaissent, me saluent : « bonjour, M. le curé, on aura une belle messe aujourd’hui ? Nous avons drapé l’église, et mis des drapeaux ; et vous parlerez au moins ! »…Je vous envoie quelques violettes que j’ai cueillies sur le champ de bataille de la Marne….Beau soleil, pas froid, on se serait cru en Provence…et pourtant que la Provence est loin d’ici, 1400 km, et le retour est bien plus loin. »
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Mgr Michel André Latty, archevêque d’Avignon de 1907 à 1928 (photo aux archives diocésaines)
Dans une lettre datée du 18 novembre 1914, l’archevêque d’Avignon, Michel André Latty, s’adresse à son clergé. En effet, la première mobilisation et les mobilisations successives ont laissé de grands vides dans le clergé, et ceux qui restent doivent assurer le service paroissial. Or loin de réduire leurs activités, ils se sont dévoués sans compter. L’archevêque salue et encourage leur zèle sacerdotal et patriotique. « vous avez encouragé et consolé [les fidèles] ; et en leur rompant tantôt le pain de la parole sainte, tantôt le pain eucharistique, vous les avez fortifiés contre les tristesses et les angoisses de l’heure présente, qui est une heure de mort et de deuil : car l’image de la mort est partout, et il n’y a personne qui puisse en éviter les sombres visions. ». Il ne fait pas que reconnaître les mérites de ces hommes, il veut aussi les encourager à persévérer : « Certes, nous espérons fermement la victoire définitive de nos vaillantes armées : mais on nous dit que la guerre sera encore longue ; et les sacrifices qu’elle nous impose, ne pourront que s’accroître. Ayez donc à cœur d’entretenir autour de vous le feu sacré de la prière et de la confiance en Dieu ». Il ne s’agit pas seulement de prévenir la fatigue du corps et l’épuisement des forces, il faut aussi prévenir la fatigue du cœur, le découragement qui pourraient transparaître dans les paroles, aussi le exhorte-il : « il faut le dire sans rien outrer, sans violence, sans amertume, avec cette charité vraiment apostolique qui fait qu’on souffre avec ceux qui souffrent, qu’on pleure avec ceux qui pleurent, qu’on sent comme siennes propres les calamités et les douleurs de la commune patrie. ». Enfin, il rappelle l’essentiel à chacun « apprenez aux jeunes Français à être autre chose que des chrétiens de nom ».
Ceux qui restent « à l’arrière » ne sont pas inactifs et prennent leur part, à leur manière, à l’effort de guerre avec un « zèle patriotique ». Les fidèles se rassemblent volontiers autour de l’archevêque à la basilique métropolitaine Notre Dame des Doms, ou bien encore autour de leurs curés « pour attirer les bénédictions de Dieu sur nos armées de terre et de mer ». Monseigneur l’archevêque recommande aussi, dès novembre 14, l’œuvre du « Petit Paquet », en donnant l’exemple d’une paroisse « M. le Doyen de Cavaillon, accompagné de deux de ses paroissiens, a apporté à l’Archevêché un lot considérable de vêtements confectionnés par les vaillantes chrétiennes de la paroisse », et Mgr l’Archevêque de souhaiter « qu’elles auront bientôt des imitatrices ». Ses souhaits furent rapidement exaucés, puisque les numéros suivants donnent listes et inventaires des dons de vêtement faits pour les soldats : modestes ou importants, de personnes privées ou des paroisses, grandes ou petites paroisses, tout le diocèse se mobilise.
Abbé Bruno Gerthoux
Archiviste Diocésain