L’abbé Moyne, chanoine-honoraire de la Métropole d’Avignon, en religion, P. Marie-Benoit
Dans son édition du 21 juin 1873, l’abbé Bruyère portait à la connaissance des lecteurs la lettre qu’il avait reçue du monastère de la Melleray, annonçant le décès du Père Marie-Benoit le 16 mai de la même année à la Trappe de Gethsemani, au Kentucky, en Amérique.
Né à Sarrians le 7 janvier 1819, Louis Joseph Théodore était le fils François, cultivateur, et de Marie-Rose Geneviève Blanchard son épouse. « Richement doté de la providence, les qualités de l’esprit et du cœur qui distinguent les hommes de vrai mérite s’étaient réunies dans cette nature privilégiée ».
Après avoir appris le latin avec l’abbé Saïn, alors curé de Sarrians, il poursuivit sa formation au Petit-Séminaire de Sainte-Garde avant d’entrer au Grand-Séminaire de Saint-Charles. Après avoir enseigné brièvement la rhétorique au Petit-Séminaire d’Avignon, il fut ordonné prêtre le 23 décembre 1843 en même temps que l’abbé Cortasse de Joucas. En janvier 1844, il était vicaire à Saint-Siffrein de Carpentras, puis aumônier du collège de la ville en octobre de la même année, avant d’être pendant une dizaine d’années aumônier du collège royal d’Avignon à partir de 1847. « Il s’acquit partout et de tous l’estime et l’affection par la distinction de son esprit et de son cœur. Avec un caractère jovial, causeur, un aimable laisser aller, un certain besoin de l’air du monde, il ne laissait soupçonner à personne qu’il fût appelé à vivre à la Trappe… »
Entré à la Trappe Notre-Dame de Melleray dans le diocèse de Nantes en 1856, il y fut maître des novices et chroniqueur de l’Ordre. Ses qualités ont conduit le Chapitre Général à lui demander de partir comme prieur au monastère de Gethsemani, en Amérique. Il écrivit à l’époque à l’abbé Bruyère « Savez-vous que tel que vous me voyez ou me lisez pour mieux dire, je suis à la veille de partir pour l’Amérique. Le chapitre général du mois de septembre a jugé à propos de m’envoyer à une maison fille de la nôtre, une fondation que nous avons faite, il y a une vingtaine d’années aux États-Unis, … je serai là-bas ce que je suis à la Melleray ; j’y ferai ce que je fais, seulement avec un peu plus de misère […] C’est là qu’on m’envoie et que je vais avec la bénédiction de l’obéissance, n’ayant rien à faire de mieux que cela. » Et il se confie ainsi « c’est pourquoi vous m’aiderez par une prière plus assidue et plus prolixe avec mes bons amis d’Avignon. Vous m’apparaitrez ainsi tous comme l’ange qui vient fortifier le Sauveur, non pas en lui retirant le calice, mais en lui donnant du courage pour boire jusqu’à la lie, et vous m’obtiendrez la grâce de le suivre, jusqu’à la fin, partout où il voudra me conduire… ».
Ces mots laissent transparaître son « amitié tendre et délicate, ingénieuse dans les épanchements de ses affections pour ses amis », et combien, malgré la distance et le temps, il restait fidèle à Avignon et ses amitiés.
L’abbé Moyne, alors aumônier du collège royal d’Avignon, avait composé deux livres, dont un, une monographie de l’abbaye de Sénanque, lui valut les éloges du comte de Montalembert : « peu de volumes relatifs à l’histoire monastique m’ont donné plus de satisfaction que ce petit volume. Il est écrit avec une justesse de vues tout-à-fait remarquable, et à l’abri de ces déclamations superficielles que signalent tant de productions religieuses ».
(Malheureusement, nous n’avons aucun portrait de l’abbé Moyne)
Abbé Bruno Gerthoux
Archiviste