En quelques mots, avec une image, tant de choses peuvent être dites et transmises. Un regard, un mot suffisent pour toucher notre coeur et l’enflammer ! Images de dévotion et prières sont des aides et soutiens de notre foi.
Préambule
Rappel des précédentes chroniques
1° chronique : La vie édifiante de nos anciennes mères
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2° chronique : Hors les murs !
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3° chronique : Demandez et vous recevrez
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4° chronique : Par la musique et par nos voix
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Pour en savoir plus sur les bienheureuses martyres suivre ce lien.
Souvenir du premier centenaire
Le témoignage des bienheureuses martyres d’Orange n’est pas un trésor réservé à quelques privilégiés. Cette conviction portée par les moniales sacramentines qui furent les premières dépositaires de ce témoignage avec des ursulines qui avaient échappé au martyre et avaient ensemble repris la vie régulière, se manifesta très vite, nous l’avons vu avec la deuxième chronique « Hors les murs ». Il fallait aller encore plus loin, et mettre sous les yeux du plus grand nombre, le témoignage héroïque de ces religieuses.
Lors du Centenaire de la « fin glorieuse des sœurs du Saint-Sacrement de Bollène » en juillet1884, les moniales sacramentines éditèrent une image pieuse en 4 volets. Sur la première page une gravure en noir et blanc intitulée « vision du tabernacle » représente au centre le Christ en croix devant un tabernacle ouvert, au-dessus d’un calice d’où émerge un coeur enflammé. Le Christ est assisté en sa Passion par deux anges. Devant, à genoux, une jeune fille offre son propre coeur enflammé, s’associant à la Passion de Notre Seigneur. Même si cette image ne représente pas les religieuses martyres, elle représente et illustre ce qu’elles ont vécu dans leur consécration au monastère et qui a trouvé son accomplissement dans leur martyre à l’échafaud.
A l’intérieur du livret, la liste des 13 religieuses sacramentines qui ont vécu cette fin glorieuse, précisant la date de leur martyre, leurs noms de religieuse et leur noms dans le monde, leurs villes d’origine et leurs âges au moment de leur mort. C’est un fait que dans un premier temps, et légitimement, l’attention des moniales sacramentines s’est portée sur celles qui les avaient précédées dans leur monastère de Bollène. Par les précisions de cette liste, le souci est manifestement aussi, de leur permettre un plus grand rayonnement, par leurs noms, leurs prénoms, leurs villes d’origine, et même leurs âges, c’est un moyen pour chacun de s’identifier à leur témoignage. Comme dans toute amitié, l’oeil et le coeur sont attirés avant tout par un détail en commun.
Dès la fin de cette liste sur la troisième page, une citation de l’Evangile de Saint-Mathieu « Ne craignez pas ceux qui tuent le corps et qui ne peuvent tuer l’âme ; mais craignez plutôt Celui qui peut précipiter dans l’enfer et le corps et l’âme » (Math. 10, 28). Ce passage de la Parole de Dieu place le témoignage des religieuses dans la lumière de l’Evangile et souligne leur fidélité à leur Seigneur. En effet, leur passion n’est pas d’abord un héroïsme aux yeux des hommes et du monde - pour lesquels, d’ailleurs, elle apparaissait comme folie-, mais une fidélité à l’Evangile.
Viennent ensuite des citations des sœurs, des fioretti de leur vie et de leur martyre. Ces paroles et ces images attirent notre attention et touchent notre coeur. Et c’est une point important que le témoignage de toutes ces religieuses ensemble, ne peut jamais être séparé du témoignage de chacune en particulier, et réciproquement. Le témoignage de toutes renvoie et s’enracine en celui de chacune, en retour, le témoignage de chacune donne plus d’éclat et de force au témoignage commun.
Nous retrouvons quelque chose d’identique dans une autre image éditée pour la même occasion, par les moniales sacramentines de Carpentras. La citation biblique est tirée du Livre de Daniel « Elles brilleront, comme des étoiles pendant l’éternité » (Dn 12, 3).
De la terre au ciel
Deux cartes postales reproduisant des tableaux peints par la sœur Marie-Mechtilde, ont été éditées.
La première représente 11 sacramentines sortant de prison pour se rendre à l’échafaud, conduite par un révolutionnaire. Sur le côté un groupe de femmes en furie. Au fond, une religieuse qui monte à l’échafaud. Au-dessus, dans le ciel ouvert, accueillie par un ange lui présentant la couronne et la palme du martyre, une treizième sacramentine qui entre dans la gloire. A la fenêtre, sur le côté droit, un prêtre en train de donner l’absolution aux futures martyres.
La deuxième représente en fond une grande bâtisse qui doit être le monastère ; au premier plan, un homme qui fauche des lys dans un jardin sur le côté duquel se dresse la guillotine. Le Ciel est ouvert et trois anges accueillent avec des palmes 13 colombes qui s’envolent vers l’Eternel, représenté sur la forme d’une triangle équilatéral rayonnant, au centre duquel est inscrit le Nom de Dieu en hébreu. De manière allégorique, nous retrouvons des thèmes présents dans les cantiques que nous avions vus précédemment dans la chronique Par la musique et par nos voix.
Ces deux images, au fond, représentent la même chose, à savoir l’offrande que ces femmes ont faite de leurs vies, d’abord dans la consécration religieuse, dans la fidélité à leur baptème, puis dans le sacrifice consommé à l’échafaud.
Demander des grâces et miracles
Une image est imprimée après 1906, pour encourager les fidèles à recourir à l’intercession des religieuses martyres, en vue de leur béatification.
Au dos de l’image, la liste des 32 religieuses martyres, avec pour chacune la date de son martyre, son nom de religieuse, son nom de naissance et son âge.
Au recto de l’image, une composition avec au bas, une scène des religieuses unies en prison, encadrée d’un côté par un lys, et de l’autre par une rose. L’un représente la pureté de leur vie consacrée et du don de leur vie, et l’autre l’amour, le don de soi, d’une part dans la vie consacrée, et d’autre part dans le martyre. Dans la prison, nous voyons les sœurs regroupées et unies face aux révolutionnaires. Cet aspect n’est pas le moindre dans leur témoignage : face aux épreuves, elles ont su laisser de côté ce qui aurait pu les séparer, les opposer, afin de mettre en commun leur plus grand trésor, leur vie consacrée, leur vie donnée à Dieu par Amour. Au-dessus, la faucheuse vêtue de sombre, et un groupe de religieuse, les yeux fixées vers le ciel, où est un ange vêtu de lumière. Dans le groupe des religieuses, par leurs habits, se distinguent la moniale bénédictine, en tête, qui fut la première à subir le martyre, la suivant, une sacramentine, et à sa suite, deux cisterciennes ; derrière, un groupe d’ursulines et de sacramentines. Même si elles ne sont pas chacune représentée, leurs familles spirituelles, leurs communautés sont identifiées. Ici encore, le témoignage de chacune est indissociable de ce qu’elles ont vécue en communauté, selon leurs traditions religieuses propres, et en commun avec les autres religieuses, dans leur passion et leur martyre. Leur témoignage commun n’en est que plus fort, souligné par la diversité des personnes, des figures, des âges, des origines, des traditions religieuses et spirituelles.
En attendant la béatification
Une prière est éditée en 1922 pour demander la béatification des religieuses martyres, alors que la procédure est déjà bien engagée. La prière est simple
Par ailleurs, le document de taille modeste, rappelle l’essentiel de leur témoignage, par quelques phrases et fioretti, et surtout invite à la prière.
Invoquer les religieuses
Les archives conservent le touchant témoignage manuscrit intitulé « Nos bienheureuses sœurs martyres, priez-pour nous » et proposant une prière sous forme d’invocation litanique.
Comme nous l’évoquions dans une précédente chronique « Demandez et vous recevrez », une religieuse ursuline, après une conférence sur les religieuses martyres, voulut demander leur intercession, en les invoquant chacune :
Je vous propose aussi des litanies qui intègrent les saints patrons et protecteurs de ces bienheureuses martyres, selon chacune des traditions des ordres religieux.
Une image sur mon coeur
Les moniales sacramentines de Bollène avaient produit une médaille en fer blanc, qu’elles distribuaient. Je me souviens, lorsque le dimanche matin j’allais à la messe à leur chapelle de la rue du Saint-Sacrement à Bollène, j’attendais avec impatience les jours où la grille du fond, qui donnait accès à la chapelle où étaient conservés les souvenirs des martyres, s’entrouvrait pour laisser les fidèles venir nourrir leur ferveur. Là, une petite boite en carton contenait ces médailles que chacun pouvait prendre.
D’un côté, trois moniales sacramentines en prière, représentant la Bienheureuse Iphigénie et ses compagnes ; au verso, un ostensoir avec le Saint-Sacrement, et deux anges en adoration, avec l’invitation en latin « Adorons éternellement le Très Saint Sacrement ».
Prier pour la canonisation
Aussitôt célébré la béatification des bienheureuses religieuses martyres d’Orange, il ne fallait pas baisser les bras, ni laisser les cœurs s’appesantir.
La béatification est en effet un encouragement à recourir à l’intercession des bienheureuses martyres, et leur demander des grâces, afin « que le nimbe suprême de la Sainteté auréole le front si pur des 32 Bienheureuses Martyres d’Orange ».
Prier les Bienheureuses martyres
Les moniales sacramentines du Monastère des Yonkers, à New-York, éditent elles aussi une image, avec une prière adressée aux Martyres
« O Dieu, qui aimez la Virginité et qui donnez généreusement la force, et qui, pour confondre ce qui est fort dans le monde, avez voulu les fleurs et les palmes du martyre d’Iphigénie de Saint-Mathieu et de ses virginales compagnes pour fleurir dans la grâce ; accordez-nous, nous vous en prions, par leur intercession, qu’en imitant leur constance dans la foi et l’amour dans les combats de la vie, nous puissions être trouvés dignes de partager la même couronne dans les cieux »
En 1953, Mgr Gabriel de Llobet, archevêque d’Avignon, propose à son tour une prière
Demander, encore et toujours la canonisation
Deux ans avant la célébration du bicentenaire de leur martyre, célébré à Bollène, sous l’impulsion de l’abbé Jean-Pierre Saurel, curé, une prière est donnée par Mgr Bouchex
A l’occasion de la célébration du bicentenaire, une image fut éditée, reprenant un dessin réalisé par une moniale sacramentine de Carpentras, reprenant les paroles de la bienheureuse sœur de l’Annonciation de Saint-Joseph (Henriette Faurie de Sérignan)
En 2018, une nouvelle prière est composée et proposée à la ferveur des fidèles.
A l’initiative et à la demande de l’abbé Hubert Lelièvre, une icône représentant les bienheureuses martyres avait été écrite et reproduite sous forme de carte
Sur la droite, les deux cisterciennes, la bénédictine, une sacramentine, et derrière les douze autre sacramentines, sous le campanile de leur monastère de Bollène. Sur la gauche, les seize ursulines.
A son tour, le 23 janvier 2025, Mgr l’Archevêque a autorisé une nouvelle prière, à la demande de Monsieur l’abbé Berger, archiprêtre de Notre-Dame, et l’a enrichie d’une concession d’indulgence partielle pour les fidèles du diocèse d’Avignon qui utiliseront cette prière :
Seigneur notre Dieu, Tu as donné à ton EgliseLes 32 Bienheureuses Martyres d’Orange.Elles ont vécu fidèlement la grâce de leur baptême.Enracinées dans la foi, unies par la charité, témoins héroïques de l’espérance qui ne déçoit pas.Elles se sont préparées au don de leur vie par la consécration religieuse.Dans leur prison, d’un seul cœur, elles ont chanté tes louanges.Accorde-nous de savoir vivre – comme elles – la communion ecclésiale.Par leur intercession, nous te demandons la grâce de(exprimer ici une demande de guérison ou une intention particulière)Dans l’attente confiante qu’elles soient bientôt déclarées saintes,puissions-nous – avec elles – louer ta Miséricorde éternellement.Par Jésus, le Christ notre Seigneur. Amen
Méditations eucharistiques
Après la béatification, un triduum (trois jours) d’action de grâce fut célébré et des médiations eucharistiques données à la piété des fidèles.
Le prédicateur, un religieux rédemptoriste expose que Jésus Eucharistie est le modèle des martyres, la force des martyres, et conclue en méditant sur la générosité mutuelle entre Jésus Eucharistie et ses martyres.
le texte complet peut être téléchargé.
Par leur vocation propre liée à l’adoration du Saint Sacrement, les bienheureuses sacramentines nous aident à mieux comprendre et vivre le mystère de l’Eucharistie, mais plus largement encore, le témoignage de ces 32 religieuses, en particulier en prison, met en évidence leur témoignage de vie héroïque des sacrements.
Pour conclure
Dans les années 1960, sœur Marie-Dominique a peint ce petit tableau. Sœur Marie-Dominique était moniale sacramentine de Carpentras, elle fit partie de la fondation décidée par la Fédération des Monastère du Saint-Sacrement à Beaufort, en Bretagne, qui plus tard rejoignit l’Ordre des Prêcheurs. Ce monastère florissant, n’a jamais oublié ses racines et son héritage spirituel. Ce petit tableau qui était dans la chapelle de Carpentras fut offert au monastère d’Aix.
La Mère Marie-Paul - professe du monastère de Carpentras, dernière supérieure du monastère de Bollène, moniale à Avignon, puis à Aix, décédée centenaire - commentait par écrit ce tableau : « A gauche, la bienheureuse Marie de l’Annonciation, Henriette Faurie, montre le ciel à sa petite sœur Madeleine, venue lui apporter des provisions à Orange. A droite, la chapelle de Gabet, avec ses cyprès et son champ de blé... l’amour fraternel, la croix glorieuse, l’Eucharistie ».
De tout cela transparaissent plusieurs choses. Tout d’abord, ce qui est manifeste dans leur témoignage c’est la continuité entre le baptême, la vie consacrée et le martyre. Ce qu’elles ont vécu d’une manière singulière nous conduit à prendre au sérieux notre propre baptême et notre vie chrétienne.
Par ailleurs, comme cela a déjà été dit, nous ne pouvons évoquer le témoignage commun de leur vie, de leur passion et de leur martyre, sans évoquer aussi, le témoignage personnel de chacune de ces femmes.
Si elles ont tout mis en commun en prison, c’est aussi grâce à la force du charisme de chacun de leurs ordres et de leurs traditions religieuses propres. Ces réalités donnent une couleur spécifique à leur témoignage.
Leur témoignage est évangélique, c’est-à-dire enraciné dans l’Evangile, nourri par lui, qu’il en est une manifestation, qu’il est l’Evangile en acte, aujourd’hui, ici et maintenant, nous rappelant pour nous-mêmes cette exigence.
Il s’agit de les connaître, pour les aimer et les prier, et par suite, obtenir des grâces par leur intercession.
abbé Bruno Gerthoux
Archiviste