Elzéar (ou Auzias) de Sabran naquit en 1285 au château d’Ansouis (entre Luberon et Durance) et fut envoyé comme écolier à l’abbaye Saint-Victor de Marseille. Delphine (ou Dauphine) de Signe était née en 1282 au château de Puimichel dans le val de Durance. Il n’avait que onze ans et elle quatorze quand leurs familles décidèrent de les fiancer. Leur mariage fut célébré en 1299 mais Elzéar accepta de respecter la promesse de virginité faite par Delphine. Puis il dut partir pour le royaume de Naples où il venait d’hériter du comté d’Ariano et il fut donc séparé de son épouse pendant plusieurs années.
Il ne put revenir à Ansouis que vers 1314, et c’est alors, après cette longue période d’épreuve et de réflexion, que les deux époux s’engagèrent dans un vœu de chasteté parfaite, portés par leur amour mutuel et confiant. Cette vocation paradoxale fortifia leur vie commune d’union à Dieu, de prière, de piété eucharistique, de pénitence, de disponibilité à l’Esprit Saint et de dévouement à autrui. Ils s’efforcèrent concrètement d’assurer l’existence spirituelle et matérielle de leurs serviteurs, de leurs fermiers et de tous ceux qui vivaient sur leurs vastes domaines. En 1317 ils furent admis comme tertiaires dans l’Ordre de saint François d Assise.

Vaillant chevalier, Elzéar défendit victorieusement Rome contre les troupes impériales mais il sut aussi apaiser les turbulences de ses vassaux italiens. En 1323 il fut envoyé à Paris par le roi Robert Ier comme ambassadeur extraordinaire pour négocier avec le roi de France le mariage du prince Charles de Calabre avec Marie de Valois. Atteint soudainement par une fièvre maligne, il mourut à Paris le 27 septembre 1323, âgé de 38 ans, après avoir déclaré : « que les forces du démon seraient puissantes n’étaient les mérites de Jésus Christ. Courage, loué soit Dieu, j’ai tout vaincu ». Au cours de sa vie conjugale virginale, il fut un exemple admirable d’union mystique à Dieu, terme au milieu des actions les plus absorbantes d’ascèse dans le monde, de prudence, d’équité incorruptible, d’amour des pauvres, de charité pour les malades et les lépreux.
Delphine, devenue veuve, réalisa peu à peu son rêve d’absolue pauvreté et de service des malheureux à Naples, puis à Apt où elle passa les quinze dernières années de sa vie. Elle y mourut le 26 novembre 1360 à l’age de 78 ans, en disant : « Désormais je ne veux plus que Dieu ». Elle s’était distinguée par sa piété profonde, sa volonté inflexible de poursuivre son idéal de dépouillement total, son humilité extrême qui la poussait à quêter dans les rues malgré les affronts reçus, son zèle pour les âmes qu’elle conseillait, consolait et cherchait à convertir. Elle avait fondé une caisse rurale de prêt sans intérêt qu’elle cautionnait. Bien qu’infirme, elle s’était interposée pour obtenir un apaisement alors que la guerre des Baux menaçait de ruiner la région.
Elzéar fut canonisé le 15 avril 1369, dans la Basilique Saint-Pierre de Rome, par le pape Urbain V, son filleul. Le culte de Delphine a été approuvé par le pape Innocent VII en 1694, mais son procès de canonisation, ouvert en 1363, n’a jamais été achevé. Les deux époux furent ensevelis dans l’église des frères mineurs d’Apt. Aujourd’hui leurs reliques sont conservées dans la cathédrale d’Apt et dans l’église d’Ansouis.